
Créer un nouvel univers : dans les rouages du steampunk et la légèreté de la fantasy
Créer un nouvel univers, se réinventer sans cesse (ou, comme disait Nicolas Boileau : « Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage ! ») mine de rien ça fait partie des grandes quêtes humaines. Pourquoi ? Parce que c’est tout l’apprentissage des capacités créatrices de l’humain (et du divin !) qui sont ici misent en avant. Explications au travers d’un livre et d’une BD de Pierre Pevel…
Créer un nouvel univers, ok, mais c’est quoi le steampunk ?
Douglas Fetherling (journaliste et écrivain canadien) : “Le steampunk est un genre qui imagine jusqu’à quel point le passé aurait pu être différent si le futur était arrivé plus tôt.”
Le steampunk, cette science-fiction du passé, ce rétro futurisme est donc une interprétation de ce qu’aurait pu être le monde si les humains s’étaient arrêté à la création des machines à vapeur, en matière d’avancée technologique et industrielle tout du moins. La base étant à ce sujet, le monde développé dans tous les ouvrages de Jules Verne (avec entre autre le Nautilus) et de H.G. Wells (avec sa machine à remonter le temps).

Illustration de Édouard Riou (1833-1900) pour le livre de Jules Verne, 20 000 Lieues sous les mers. Ici, nous voyons le compartiment machine du Nautilus. (cliquez sur l’image pour l’agrandir)
Le steampunk se place donc au XIXème siècle, entre les premières machines à vapeur et l’ère victorienne. En plus, il a aussi la particularité de pouvoir y intégrer des mondes imaginaires, ce qui le rapproche également de la fantasy. Les premiers romans du genre mêlaient donc joyeusement des savants fous, des magiciens, des automates, des vampires, des machines à remonter le temps et des engins volants !

Adaptation cinématographique du livre « La Machine à explorer le temps » de H.G Wells, par George Pal en 1960. (cliquez sur l’image pour l’agrandir)
Pour avoir un autre aperçu de cette façon de créer un nouvel univers en version steamipunk, il y a l’ancienne série télévisée (puis ensuite le film ! dans la présentation vidéo ci-dessous) Les mystères de l’Ouest, qui était très annonciateur du genre.
Dans cette série il y a le fameux docteur Miguelito Loveless, un personnage à la fois génial et malfaisant, capable de créer d’improbables machines.Et là, nous sommes en plein dedans ! dans l’esprit steampunk. Un train à vapeur (celui des deux héros : James West et Artemus Gordon) dans les années 1880, et tout un tas d’engins plus fous les uns que les autres au milieu de femmes en corsets et robes longues, d’hommes en costumes et chapeaux.
Au niveau film d’animation, il y a Le château ambulant, de Miyazaki, qui est aussi un bon exemple de ce type d’univers.
Malgré son aspect industriel très marqué, le steampunk est donc comme on peut le voir ici, riche en éléments extraordinaires (magie, bestiaire fictionnel et folklorique de l’ère victorienne ou pas, etc.). C’est là tout le savoureux du steampunk : réinventer un futur avec une base du passé auquel s’ajoute le merveilleux.
Enfin le steampunk c’est aussi et avant tout un goût esthétique alliant la machinerie et les ornements comme les dorures, les rivets, les boulons, le cuivre et autres engrenages.
Mais revenons-en au livre et à la bande dessinée de Pierre Pevel…
Créer un nouvel univers avec le cycle de : Le Paris des merveilles – tome 1 – Les enchantements d’Ambremer
Présentation de l’auteur, Pierre Pevel :

Pierre Pevel
Pierre Pevel est né en France en Pour ce qui est de ses études, il a fait une prépa littéraire au lycée Henri Poincaré de Nancy. Il est ensuite scénariste, puis journaliste et auteur pour des jeux de rôle. Plus tard, il écrit plusieurs romans de fantasy sous le pseudonyme de Pierre Jacq, avant d’utiliser son vrai nom.
C’est sa trilogie des Ombres de Wielstadt, publiée en 2001, qui lui vaut en 2002 un Grand prix de l’Imaginaire.
Les romans de Pierre Pevel sont proche de l’uchronie (réécriture de l’Histoire à partir de la modification du passé), et en particulier de l’uchronie de fantasy (donc genre entre l’uchronie, le roman historique et la fantasy – avec ajout d’éléments merveilleux ou mythiques).
Viktoria 91 (paru en mai 2002) se différencie en proposant une uchronie de type steampunk dans la ville de Londres en pleine époque victorienne (1891). Et Les enchantements d’Ambremer (paru initialement en 2003) poursuit dans cette veine (avec encore des variantes !) avec ce qui est maintenant nommé le cycle, Le Paris des merveilles.
Résumé du livre Les enchantements d’Ambremer – tome 1 du cycle Le Paris des merveilles
À première vue, on se croirait dans le Paris de la Belle Époque. En y regardant de plus près, la tour Eiffel est en bois blanc, les sirènes ont investi la Seine, les farfadets, le bois de Vincennes, et une ligne de métro rejoint le pays des fées… Dans ce Paris des merveilles, Louis Denizart, Hippolyte Griffont, mage du Cercle Cyan, est chargé d’enquêter sur un trafic d’objets enchantés, lorsqu’il se retrouve impliqué dans une série de meurtres. Il lui faudra alors s’associer à Isabel de Saint-Gil, une fée renégate que le mage ne connaît que trop bien…
Extraits
– Et vous ? Où allez-vous pendant que je m’occuperai de votre intérieur ?
Elle maniait l’ironie. L’affaire s’engageait mal.
– J’ai à faire, mais je vous rejoindrai bientôt.
– Pas question.
– Allons !
– Pas question. Pour le cas où vous l’auriez oublié, je n’excelle pas dans le rôle de l’épouse docile qui fait ce qu’on lui dit et que l’on tient à l’écart des choses importantes. Montez. J’irai où vous irez.
Griffont remit de l’argent au cocher.
– Au 17, impasse du Vieux-Square, lui dit-il. C’est dans l’île Saint-Louis.
– Avancez seulement d’un mètre et je jure de vous faire avaler votre fouet !
– Madame ?
– Elle ne le fera pas, promit le mage avec une moue rassurante. Je la connais. Roulez.
– Vous feriez bien de me croire, cocher !
Le pauvre homme les considérait l’un et l’autre avec un regard de plus en plus inquiet.
– Isabel ! Siffla Griffont en surveillant les alentours. On nous regarde !
– Et on va bientôt nous entendre si vous persistez.
– Soyez raisonnable.
– Ce n’est pas ma qualité première…
– Ça !…
– …et je vous interdis de me traiter comme une petite chose fragile. Soit vous montez, soit je descends.
Elle s’était déjà levée.
– C’est bon, soupira Griffont. C’est bon…
Il grimpa dans le landau tandis qu’elle se rasseyait, et s’installa en face d’elle. Il était mécontent ; elle ne l’était pas moins.
Mon approche totalement subjective
De la possibilité de créer un nouvel univers
De tout temps, les hommes ont toujours cherché à créer de nouveaux univers. J’ai presque envie de dire que ça fait partie de leur programmation intérieure. Certains pourraient être tenté de dire « c’est dans leur gènes » ! S’il y avait là-dedans une quelconque approche scientifique (sans parler du fait que cette expression ne veut plus dire grand chose depuis la découverte de l’épigénétique). Or nous sommes là dans le domaine de l’imagination, nous sommes sur le territoire de ce qui nous dépasse…
Pour Avicenne (ce philosophe et médecin persan de religion musulmane et de l’époque médiévale), le monde émane de Dieu par surabondance de son intelligence. Et c’est exactement ainsi que pour moi, il est possible de créer de nouveaux univers, que ce soit dans des ouvrages littéraires, des bandes dessinées, des films, des jeux, etc.
C’est par surabondance d’intelligence que l’être humain relié à sa part divine, à son soi profond lui-même en lien direct avec ce qui le dépasse (chacun interprète ça comme bon lui semble) peut créer à profusion de nouveaux univers.
L’humain et sa quête de ce qui fait sens pour lui : un monde, un univers qui le fasse vibrer du et au plus profond de son être
Parce que ce qui vibre est ce qui naît. Cette pulsation de vie là voit le jour, elle pointe le bout de son nez, elle se matérialise devant nous, créateurs et spectateurs.
Le Paris des merveilles, un Paris de rêve, un pari gagné
Moi qui suis une ancienne parisienne. Moi qui ne supporte plus de me déplacer sur Paris. J’avoue que si ce Paris des merveilles existait bel et bien, je ne pourrais m’empêcher d’aller voir ça de plus près tellement ça résonne en moi.
Et en même temps c’est toute la richesse de cette approche steampunk ! Alliant à la fois la beauté, ce goût fort d’esthétisme, le magique avec l’intégration de la fantasy, et un retour aux prémices de l’industrialisation quand elle laissait encore la place belle à l’ancien monde des chevaux, des calèches, à un certain rythme de vie.
Du coup j’y ai retrouvé avec plaisir (et à ma grande surprise !) nombre de quartiers parisiens qui ont été les miens à une lointaine période de ma vie.
Dire que j’ai passé un moment magnifique de lecture est encore trop faible par rapport à mon ressenti. J’y ai pris un plaisir extrême ! Plongeant à la fois dans l’ambiance d’un Arsène Lupin qui enchantait mon adolescence, à l’univers complètement déjanté du Disque-monde de Terry Pratchett, le tout à la sauce des Brigades du tigre (la série télévisée également de mon adolescence en plus de la réalité historique). Tout et encore plus (si, si, si), se trouve dans ce livre.
Qui dit Paris de la Belle époque dit aussi : titi parisien et gentlemen
Le sieur Lucien Labricole, un gnome et ! un personnage truculent à la Audiard. Il a entre autre la gouaille du titi parisien par excellence.
Note : voir à ce propos un autre personnage haut en couleur mais au féminin cette fois-ci, dans la BD ci-dessous, Les Artilleuses, car le sieur Labricole n’a rien à envier à une certaine Mam’zelle Gatling, ce pur produit parisien, comme son nom ne l’indique pas du tout !…
La longévité des personnages principaux, porte ouverte à cette autre grande quête humaine de l’immortalité
Dans l’extrait que je vous ai mis plus haut, vous avez un dialogue entre les deux personnages principaux : le mage Griffont et Isabel de Saint-Gil. Deux personnages qui se connaissent depuis des siècles et qui, forcément, ont une certaine complicité dans leurs échanges. Sans parler de l’origine d’Isabel… mais je n’en dirait pas plus, à vous de lire le livre !
En découvrant ce passage sur leur très ancienne connaissance, cela m’a fait repenser à la série télévisée Highlander et à ces personnages qui vivaient plusieurs siècles et avaient donc une très, mais alors très longue histoire commune.
Ma conclusion
Un livre tout à fait savoureux pour qui aime se laisser dépayser, que ce soit au sens géographique comme au sens d’une certaine normalité des choses. De l’humour, de nombreux clins d’œil tant historiques que cinématographique ou télévisuels et littéraires. Un livre avec des personnages attachants et bien campés. Un ouvrage avec un univers bien à lui.
Créer un nouvel univers avec la série de : Les Artilleuses – tome 1- Le vol de la Sigillaire
Présentation du dessinateur :

Etienne Willem
Étienne Willem est né en Belgique, à Charleroi, en 1972.
Auteur aux Éditions Paquet de la série « Vieille bruyère et bas de soie » (3 tomes parus, 2004, 2006, 2011), il a réalisé ensuite la série « L’Épée d’Ardenois » (4 tomes, 2010-2015) en mettant en scène des personnages animaliers dans un milieu médiéval.
Aimant beaucoup le steampunk, il a travaillé sur une série s’en inspirant : « Les ailes du singe » (3 tomes, 2016, 2017, 2019).
Après avoir eu l’habitude de travailler en solo, à savoir faire les dessins et les textes de ses BD en étant le seul maître à bord, il signe avec les éditions Grand Angle la série « La fille de l’exposition universelle » (2 tomes, 2018, 2019) avec Jack Manini pour les textes. Il rejoint ensuite les éditions Drakoo en 2020 avec l’album « Les Artilleuses » avec Pierre Pevel à l’écriture des textes.
Résumé du livre
Les plans contrariés de trois braqueuses dans les rues d’un Paris féérique du début du XXe siècle. Nous sommes en 1911, dans le Paris des Merveilles – un Paris qui n’est ni tout à fait le nôtre, ni tout à fait un autre. C’est en effet le Paris bien connu d Arsène Lupin, de Fantomas et des Brigades du Tigre… mais où vivraient des fées, des enchanteurs, des gnomes et même quelques dragons – ce qui n’est pas sans conséquences.
Entre autres merveilles, la Tour Eiffel est en bois blanc, les Champs Élysées sont bordés d’arbres dont les feuilles rendent de la lumière dès la nuit tombée, et une ligne de métro mène directement à Ambremer, capitale du Monde Féérique. C est dans ce décor que les Artilleuses font un retour fracassant en se livrant à l’une de leurs activités favorites : l’attaque de banque à main armée. Aventurières et hors-la-loi, elles sont trois : Lady Remington, Miss Winchester et Mam zelle Gatling. N’hésitant jamais à faire parler la poudre, elles sont connues de toutes les polices d’Europe. Ce coup, cependant, pourrait bien être leur dernier. Car le vol d’une mystérieuse relique – la Sigillaire – leur vaut d’être pourchassées non seulement par les Brigades du Tigre, mais également par les redoutables services secrets du Kaiser..
Extraits
Mon approche, toujours très subjective, de cette BD qui créer un nouvel univers
C’est parti pour une folle aventure avec trois femmes qui savent ce qu’elles veulent et ce qu’elles ne veulent pas ! Trois femmes intrépides dans le monde de Pierre Pevel, celui du Paris des merveilles. J’y ai donc retrouvé avec grand plaisir cette ambiance délicieuse qui était dans le livre Les enchantements d’Ambremer, mais avec d’autres personnages, enfin en dehors des Brigades du tigre qui sont fidèles au poste.
Ici, le style steampunk se donne à voir puisqu’il s’agit d’une bande dessinée et j’avoue, je me suis délectée à détailler chaque planche de ces artilleuses de haut vol (à prendre dans tous les sens du terme !).
Les détails, il faut vraiment prendre le temps de savourer les petits détails, comme par exemple la correspondance Outremonde de la bouche de métro Porte maillot (voir image extrait, plus haut). Ou ailleurs, le nom de la banque (dont je tairais le nom car il faut le découvrir pour bien savourer). Ou encore ces personnages typiques des mondes de la fantasy que l’on retrouve dans ce Paris des merveilles : la tête du dragon (toujours dans l’image en extrait visible plus haut).
De l’humour, des explosions dans tous les coins, du suspens et… La curiosité de découvrir le tome 2 car j’avoue être restée sur ma faim malgré mon réel plaisir devant cette BD.
Pour conclure
J’ai beaucoup aimé l’univers de ces deux livres. Pour la BD, je suis curieuse de connaître la suite et en même temps, le fait d’être restée sur ma faim avec le tome 1 m’a un peu refroidi.
Pour ce qui est du livre de Pierre Pevel, je ne sais pas si je lirai les autres tomes, le tome 1 se suffisant déjà à lui-même, selon moi.
Dans tous les cas, je suis ravie d’avoir acheté et lu ces ouvrages et je sais que je les relirai avec joie.
Pour lire cette BD, ce plongeon dans l’univers du Paris des Merveilles, cette histoire vue par Pierre Pevel et dessiné par Etienne Willem, pour l’avoir dans ma bibliothèque, je clique ici : Les Artilleuses
Pour lire ce roman, cette création d’un nouvel univers, cette histoire vue par Pierre Pevel, pour l’avoir dans ma bibliothèque, je clique ici : Les Enchantements d’Ambremer
Odile